Vers un travail plus durable ?
Pourquoi les entreprises s’intéressent à l’empreinte carbone
Face à l’urgence climatique et aux exigences réglementaires croissantes, les entreprises n’ont d’autre choix que de repenser leur modèle. La transition écologique ne concerne plus uniquement la production ou la logistique : elle touche désormais les modes de travail eux-mêmes, y compris le télétravail et le flex office.
Réduction des émissions de gaz à effet de serre, sobriété énergétique, optimisation des espaces : l’empreinte carbone devient un indicateur stratégique. Au-delà de l’enjeu environnemental, il y a un intérêt économique (réduction des coûts d’exploitation), managérial (bien-être au travail) et d’image (RSE, marque employeur).
Le télétravail et le flex office apparaissent alors comme deux leviers prometteurs pour accélérer cette transition.
Le rôle du télétravail et du flex office dans la transition écologique
À première vue, la logique est implacable : moins de trajets domicile-travail = moins d’émissions. C’est d’ailleurs ce que confirment plusieurs études, dont celle de l’ADEME : une journée de télétravail permettrait de réduire jusqu’à 69% le nombre de déplacements par rapport à une journée sur un lieu de travail.
Mais cette réduction immédiate ne doit pas masquer certains effets rebond. Le télétravail incite parfois à s’éloigner des centres urbains, ce qui rallonge les trajets les jours de présence au bureau. De même, si l’on opte pour la voiture individuelle au lieu des transports en commun, l’impact carbone peut grimper.
Quant au flex office, il ne se limite plus à une simple optimisation des mètres carrés : il s’inscrit désormais dans une logique plus large de transformation écologique et de réinvention des usages. En réduisant le nombre de postes fixes, on diminue naturellement les surfaces à chauffer, éclairer et équiper, ce qui représente un gain énergétique et environnemental tangible.

Moins de trajets, moins d’émissions : une équation à nuancer
Réduction des trajets domicile-travail : un bénéfice immédiat
Le télétravail offre un avantage évident : la diminution des déplacements quotidiens entre le domicile et le bureau. Selon l’ADEME, cela permettrait de réduire en moyenne de 69% le nombre de trajets journaliers, avec une baisse de 39% des kilomètres parcourus. Moins de voitures sur les routes signifie une réduction directe des émissions de CO₂, une circulation plus fluide et une amélioration de la qualité de l’air en zone urbaine.
L’effet rebond : quand les gains sont annulés par de nouveaux usages
Mais cette équation ne se révèle pas toujours aussi simple. L’effet rebond vient parfois contrebalancer les bénéfices attendus. En effet, de nombreux salariés profitent du télétravail pour s’éloigner des centres urbains et emménager plus loin, allongeant ainsi leurs trajets les jours où ils doivent se rendre sur site. Résultat : un bilan carbone parfois alourdi, surtout lorsque ces nouveaux déplacements se font en voiture individuelle.
Autre phénomène observé : le développement de déplacements indirects, comme les allers-retours pour les courses, les rendez-vous personnels ou les trajets vers des tiers-lieux de travail. Ces nouveaux usages peuvent fragmenter les journées et multiplier les micro-déplacements.
Ce que disent les études sur le sujet
Une étude de l’ADEME révèle que pour un salarié ayant déménagé loin de son lieu de travail, il faudrait au moins 3 jours de télétravail par semaine pour compenser les émissions supplémentaires liées aux trajets plus longs. Et si ces déplacements incluent un trajet en avion occasionnel, l’impact carbone peut s’envoler jusqu’à quarante fois plus qu’un trajet quotidien de courte distance.
Autre point important : les données chiffrées de l’IFPEB et de l’ADEME montrent que si le télétravail permet bien une baisse des consommations énergétiques dans les bureaux (jusqu’à 30% lorsque les locaux sont totalement fermés une journée), l’augmentation de la consommation à domicile reste relativement contenue (entre 3,5% et 7% selon les profils).
Le poids caché du numérique
Visioconférences, cloud, e-mails : une pollution invisible
À première vue, le numérique semble immatériel, donc inoffensif pour l’environnement. Pas de fumée, pas de bruit, pas de CO₂ visible. Pourtant, derrière chaque e-mail envoyé, chaque visioconférence, chaque fichier stocké dans le cloud, se cache une véritable empreinte carbone.
Les data centers, véritables usines à données, consomment des quantités faramineuses d’énergie pour assurer le fonctionnement 24h/24 de nos services numériques. Pour fonctionner de manière optimale, ces centres doivent être continuellement refroidis, ce qui demande une consommation énergétique supplémentaire. À eux seuls, ils sont responsables d’une part importante des émissions de gaz à effet de serre du secteur numérique.
Data centers, équipements et surconsommation énergétique
Le problème ne s’arrête pas là. Outre les infrastructures, il faut aussi parler des équipements numériques que nous utilisons : ordinateurs, webcams, casques, smartphones… Leur fabrication nécessite des ressources rares, de l’eau, de l’énergie et une logistique mondiale. Selon l’ADEME, les équipements numériques représentent jusqu’à 45% des émissions de gaz à effet de serre liées à l’industrie du numérique.
Et avec la montée du télétravail, la demande a explosé. Nouveaux ordinateurs, second écran, meilleure connexion… Des besoins qui entraînent une consommation accrue et une obsolescence accélérée du matériel.

Flex office et sobriété énergétique : quels gains réels ?
La crise sanitaire a profondément transformé nos modes de travail, poussant entreprises et salariés à repenser l’utilisation des espaces de bureau. Le flex office, ce modèle où les postes de travail ne sont plus attribués mais partagés, s’impose comme une solution prometteuse pour concilier flexibilité, économies et sobriété énergétique.
Moins de m², moins de chauffage et d’électricité
Le flex office permet de réduire significativement la surface de bureaux nécessaire. Cette optimisation se traduit par une baisse directe des besoins en chauffage, climatisation, éclairage et ventilation, qui représentent des postes énergétiques majeurs dans les bâtiments tertiaires. En concentrant la présence des collaborateurs sur des espaces communs mieux utilisés, on limite les gaspillages liés à des bureaux vides, un phénomène fréquent dans les organisations traditionnelles.
Cependant, la sobriété énergétique ne se limite pas à la réduction de la surface. Les systèmes de gestion technique des bâtiments (GTB) jouent un rôle clé : ils pilotent en temps réel les consommations, ajustent précisément le chauffage ou la climatisation selon l’occupation réelle des locaux, et évitent ainsi les surconsommations inutiles.
L’efficacité de ces dispositifs dépend néanmoins d’une bonne maîtrise et d’une exploitation intelligente des données fournies.
Mutualisation des espaces et nouvelles pratiques écoresponsables
Le flex office favorise la mutualisation des espaces – postes de travail, salles de réunion, zones communes – réduisant la surface totale nécessaire tout en incitant à repenser les usages. Cette organisation encourage aussi la réduction du matériel personnel (mobilier, fournitures) et l’adoption de technologies collaboratives dématérialisées, contribuant à un environnement de travail plus sobre et durable.
Impact sur les consommations annexes et qualité de vie
Le passage au flex office réduit également les consommations annexes : recours limité au papier grâce au digital, mobilier modulable et durable adapté à une occupation variable, prolongeant sa durée de vie et limitant les déchets. Ce mode d’organisation encourage une utilisation raisonnée des ressources, en cohérence avec les démarches de responsabilité sociale et environnementale (RSE).
Par ailleurs, le flex office agit comme un levier pour renforcer l’image de l’entreprise, notamment auprès des salariés sensibles aux enjeux environnementaux.
Cependant, le défi reste d’organiser ce modèle sans sacrifier le confort ni la productivité. Un aménagement bien pensé doit offrir des espaces collaboratifs, des zones de concentration et une vraie flexibilité d’usage. Un flex office mal conçu peut au contraire générer stress, confusion et surconsommation énergétique si les systèmes techniques ne sont pas adaptés.
Conditions pour un télétravail vraiment écoresponsable
Le télétravail offre de nombreux bénéfices pour l’environnement, notamment en réduisant les déplacements, mais il ne suffit pas à lui seul à garantir une empreinte écologique positive. Pour que le télétravail soit véritablement écoresponsable, il est essentiel de mettre en place des conditions et pratiques adaptées, tant au niveau des entreprises que des salariés.
Les bonnes pratiques à promouvoir en entreprise
Pour maximiser les bénéfices environnementaux du télétravail, les entreprises peuvent adopter plusieurs mesures clés :
- Forfait mobilités durables : inciter les salariés à privilégier les modes de déplacement doux ou collectifs (vélo, marche, transports en commun) pour leurs trajets professionnels, réduisant ainsi les émissions de CO₂ ;
- Éco-conception numérique : choisir et optimiser les outils numériques pour limiter leur consommation énergétique ;
- Équipements reconditionnés et sobres : favoriser l’utilisation de matériel informatique reconditionné ou à faible consommation énergétique pour limiter l’impact environnemental lié à la fabrication et au renouvellement des appareils.

Comment limiter l’empreinte numérique des collaborateurs ?
De simples gestes peuvent considérablement réduire l’empreinte numérique au quotidien :
- Limiter la vidéo pendant les visioconférences : passer en mode audio dès que possible permet de diviser par deux la consommation de données, un geste simple avec un impact majeur ;
- Favoriser le Wi-Fi ou une connexion filaire plutôt que la 4G : le Wi-Fi consomme beaucoup moins d’énergie que les réseaux mobiles, une bonne pratique à adopter systématiquement ;
- Nettoyer sa boîte e-mail : supprimer régulièrement les anciens e-mails, désactiver les notifications inutiles et limiter la taille des pièces jointes sont autant d’habitudes efficaces pour réduire l’impact énergétique du stockage et du transfert des données ;
- Mutualiser les équipements : encourager le réemploi, l’achat de matériel reconditionné et le partage des équipements existants évite des achats superflus et limite la production de déchets électroniques ;
- Sensibiliser les équipes : organiser des ateliers, diffuser des guides ou des bonnes pratiques transforme chaque salarié en ambassadeur de la sobriété numérique, créant ainsi une dynamique collective vertueuse.
En combinant ces bonnes pratiques techniques, organisationnelles et comportementales, le télétravail et le flex office deviennent des leviers puissants pour une démarche écoresponsable, qui profite à la fois à la planète et à la qualité de vie au travail.
En conclusion : Opportunité durable ou fausse bonne idée ?
À première vue, le télétravail combiné au flex office apparaît comme une réponse évidente aux enjeux environnementaux actuels. Moins de déplacements, moins de surfaces de bureaux chauffées et éclairées inutilement, une consommation d’énergie plus optimisée… les bénéfices semblent nombreux et immédiats.
Mais si les effets positifs sont bien réels, ils ne doivent pas masquer certaines limites. Les effets rebonds, notamment liés à l’éloignement géographique des salariés ou à la multiplication des déplacements ponctuels, peuvent rapidement annuler les gains attendus. De même, la généralisation du télétravail s’accompagne d’une augmentation de l’empreinte numérique, souvent sous-estimée, notamment via la visioconférence ou la surutilisation d’outils digitaux.
Le flex office, en réduisant les surfaces immobilières nécessaires et en favorisant des espaces partagés, peut être un levier complémentaire puissant – à condition que son implantation soit pensée de manière cohérente, avec une gestion intelligente de l’énergie et une coordination efficace des journées de présence.
Alors, réelle opportunité ou fausse bonne idée ? La réponse tient en un mot : maîtrise. Le télétravail et le flex office peuvent effectivement contribuer à une baisse significative de l’empreinte carbone et contribuer au déploiement d’une politique RSE ambitieuse, à condition d’être accompagnés par des outils sobres, et des pratiques responsables.
En somme, c’est moins le dispositif qui fait la différence… que la manière dont on le met en œuvre.