Le marché de l’électricité entre dans une nouvelle phase. Après plusieurs mois de calme relatif, les prix spot et à terme témoignent d’une volatilité accrue. Trois facteurs majeurs se dégagent : le retour de la demande à l’approche de l’hiver, la mise en place du pas de 15 minutes sur le marché spot et un écart intrajournalier désormais en moyenne à 95€/MWh, soit une hausse de 27% par rapport à 2024.
La transition vers la saison froide se traduit par un basculement des pics de consommation : les heures clés sont désormais tôt le matin ou tard le soir, tandis que la production photovoltaïque allège le creux de l’après-midi. Dans ce contexte, le nouveau rythme de cotation à quart-horaire ouvre des opportunités inédites pour le stockage et l’arbitrage énergétique. Enfin, cette nouvelle donne impose aux acteurs professionnels et collectivités de repenser leur approche d’achat et de couverture.
Dans ce contexte mouvant, cet article présente une lecture structurée des tendances.
Panorama géopolitique et économique
Si les prix de l’électricité ont connu une relative stabilité en octobre 2025, le contexte mondial reste marqué par des incertitudes. Entre tensions diplomatiques, ajustements réglementaires et impératifs climatiques, le marché européen évolue rapidement. Cette accalmie ne reflète pas une situation figée : elle s’inscrit dans un environnement où les équilibres énergétiques se redéfinissent sous l’effet des politiques publiques, des coûts de production et des fluctuations des matières premières.
Un monde sous tension
La guerre en Ukraine continue de peser lourdement sur les marchés énergétiques. En octobre, la Russie a intensifié ses frappes contre les infrastructures ukrainiennes provoquant des coupures massives et ravivant les craintes d’un hiver difficile pour l’approvisionnement régional.
Dans ce contexte, les États-Unis ont imposé des sanctions majeures contre Rosneft et Lukoil, les deux géants du pétrole russe, gelant leurs actifs et interdisant toute transaction avec des entreprises américaines. Objectif : réduire les revenus pétroliers qui financent la guerre et accroître la pression sur Moscou. Ces mesures, effectives dès novembre, pourraient perturber les flux vers l’Asie et accentuer la nervosité sur les marchés du pétrole et du gaz.
De son côté, l’Union européenne confirme sa stratégie de rupture : les États membres ont validé l’interdiction totale des importations de gaz russe d’ici fin 2027. Cette décision accélère la diversification des approvisionnements, mais maintient une tension structurelle sur les équilibres énergétiques à moyen terme.
Une Europe entre pragmatisme et paradoxes
À l’échelle européenne, les signaux sont contrastés.
- L’Espagne, championne du solaire, voit désormais ses prix basculés en territoire négatif certaines heures de la journée. Cette tendance fragilise la rentabilité des producteurs et souligne l’urgence d’investir dans le stockage et la flexibilité du réseau ;
- Les Pays-Bas, eux, peinent à attirer des candidats pour leurs parcs éoliens offshore. En cause : la hausse des coûts et l’absence de modèle économique viable sans subventions. Le gouvernement prévoit de réintroduire des mécanismes de soutien dès 2026 pour relancer la dynamique ;
- Pendant ce temps, le Royaume-Uni et l’Allemagne misent sur le projet NeuConnect pour sécuriser leurs interconnexions et l’approvisionnement sous-jacent, symbole d’une Europe qui renforce ses liens électriques.
Dans le même temps, l’électromobilité change la donne. D’ici 2030, la part des véhicules électriques dans la consommation électrique pourrait atteindre 4% de l’approvisionnement annuel européen, soit de quoi alimenter environ 30 millions de foyers. Une belle opportunité pour la transition énergétique, mais qui pose un vrai défi : les réseaux doivent devenir plus flexibles pour absorber cette charge et permettre une recharge intelligente, notamment via des solutions comme le V2G, qui exploitent les batteries des véhicules pour stocker ou restituer de l’électricité.
En France, un équilibre encore fragile
Sur le sol français, le climat politique et économique n’aide pas à stabiliser le marché. Octobre a été marqué par des remaniements à répétition, une grève nationale et une dégradation de la note de la France par Standard & Poor’s de AA- à A+ le 17 octobre. Autant de signaux d’incertitudes pour les investisseurs et les entreprises.
Côté production, le parc nucléaire poursuit son redressement, mais l’EPR de Flamanville reste sous les projecteurs. Connecté au réseau fin 2024 avec 12 ans de retard, le réacteur n’a pas encore atteint sa pleine puissance. Après plusieurs arrêts techniques et opérations de maintenance, EDF vise désormais 100% de puissance avant la fin de l’automne 2025.

Évolution des prix de l’électricité au mois d’octobre 2025
Le mois d’octobre a marqué une transition nette vers l’hiver, avec des températures plus fraîches et une demande électrique en hausse. Résultat : le marché spot a été particulièrement mouvant, alternant entre accalmies et tensions selon les conditions météo et la production renouvelable.
Cette apparente stabilité cache pourtant une forte volatilité intra-journalière. Avec la mise en place du pas de temps de 15 minutes sur le marché spot européen depuis le 1er octobre, les prix évoluent désormais plus finement. Les écarts entre les quarts d’heure les plus hauts et les plus bas d’une journée atteignent près de 95€/MWh, soit +27% sur un an. Une “nouvelle ère” de prix très variables, où les pics du matin et du soir contrastent avec les creux nocturnes et de mi-journée (quand le solaire s’invite).
Cette nouvelle granularité du marché crée autant de risques que d’opportunités. Les acteurs capables de piloter leur consommation ou de valoriser le stockage, notamment via batteries, tirent clairement leur épingle du jeu : selon Storio Energy, cette évolution pourrait augmenter les revenus de l’arbitrage jusqu’à +25%.
Autre fait marquant : trois épisodes venteux ont ponctué le mois, soutenant la production éolienne et contribuant à modérer les prix sur plusieurs journées.
En toile de fond, les marchés anticipent des prix globalement bas mais d’une volatilité inédite, reflet d’un équilibre fragile : production renouvelable fluctuante, disponibilité nucléaire encore incertaine et demande en hausse avec le froid.
En résumé, octobre 2025 aura été le mois de la bascule.
Énergie verte et transition énergétique
Des records de production renouvelable à l’échelle mondiale
En octobre 2025, la transition énergétique européenne continue de progresser, entre ambition et pragmatisme. Le mois a été marqué par des contrastes intéressants : des records de production renouvelable d’un côté, et des ajustements économiques nécessaires pour garantir la stabilité des projets et leur rentabilité de l’autre.
D’après les derniers chiffres du groupe de réflexion Ember, au premier semestre 2025, les énergies renouvelables ont dépassé le charbon pour la première fois dans le mix électrique C’est un signal fort de la capacité des pays à accélérer la transition énergétique.
L’Espagne illustre cette accélération : avec une production photovoltaïque annuelle proche de 44 520 GWh, le solaire est devenu la deuxième source du mix national, contribuant à réduire 17,7 Mt de CO₂, l’équivalent de 8,5 millions de voitures retirées des routes.
Ce dynamisme montre que la transition ne se mesure pas seulement en kilowattheures produits, mais aussi en impact concret sur la décarbonation du secteur énergétique.
Les défis économiques et industriels de la transition
La transition énergétique européenne progresse, mais elle n’est pas sans ajustements pour concilier ambition climatique et compétitivité. La croissance des énergies renouvelables reste une priorité, mais les gouvernements doivent naviguer entre contraintes économiques et industrielles pour sécuriser les investissements et maintenir le rythme des projets.
Un des principaux points de discussion porte sur le recours aux crédits carbone internationaux. Bruxelles propose que les États membres puissent compenser jusqu’à 3% de leurs émissions à partir de 2036, dans le cadre de l’objectif de réduire 90% des émissions d’ici 2040. Cette flexibilité vise à alléger la charge pour les industries européennes, mais son efficacité et son impact sur le financement de la transition font débat.
Paris, de son côté, plaide pour un plafond plus élevé, à 5%, afin d’offrir plus de marge aux secteurs les plus exposés et de préserver la compétitivité industrielle, tout en respectant les objectifs climatiques. La France espère également que cette flexibilité pourra s’adapter à l’évolution des puits de carbone naturels, comme les forêts, dont la capacité à stocker le CO₂ pourrait diminuer avec le temps.
Ces discussions restent l’un des points sensibles des négociations européennes à l’approche de la COP30, illustrant à quel point la transition énergétique nécessite un équilibre subtil entre ambition écologique et réalités économiques.
Marché des Garanties d’Origine : encourager la valeur verte
Le marché des Garanties d’Origine continue de jouer son rôle pour valoriser l’électricité verte. Ce mécanisme, géré en France par EEX, connaît une dynamique contrastée : après des prix historiquement bas en 2024, la demande repart à la hausse en 2025, portée par le durcissement des obligations de reporting extra-financier (CSRD) et par les stratégies RSE des entreprises.
Les enchères organisées par l’État continuent d’alimenter le marché, mais la tendance est à la volatilité des prix, liée à l’abondance des volumes et à la montée en puissance des énergies renouvelables. Pour les entreprises, les GO ne sont plus un simple outil administratif : elles deviennent un levier stratégique pour :
- Répondre aux exigences réglementaires ;
- Valoriser leur engagement environnemental auprès des clients et investisseurs;
- Soutenir le financement des filières renouvelables, en contribuant à la traçabilité et à la transparence du mix énergétique.

Stratégies pour les entreprises et enjeux à long terme
Pour les entreprises et les collectivités, l’enjeu n’est plus seulement de suivre le marché, mais d’apprendre à naviguer dans une instabilité devenue structurelle.
Dans ce contexte post-ARENH, où les prix seront entièrement indexés sur les marchés dès 2026, sécuriser son budget énergétique exige une anticipation fine et un accompagnement expert. Chez la bellenergie Business, nos conseillers dédiés vous aident à :
- Identifier les fenêtres de marché favorables pour vos achats ;
- Adapter la stratégie à votre profil de consommation ;
- Prévenir les risques liés à la volatilité, pour éviter les mauvaises surprises.
Mais au-delà des arbitrages court terme, les enjeux de fond restent majeurs :
- Garantir une sécurité d’approvisionnement dans un mix en mutation ;
- Concilier compétitivité et décarbonation, alors que la neutralité carbone est un cap européen incontournable ;
- Composer avec un parc nucléaire en évolution et une production renouvelable en pleine accélération.
Pour les acteurs économiques, cette période doit être pensée comme une opportunité de réinventer la gestion énergétique : investir dans l’efficacité, miser sur la sobriété et développer des solutions d’autonomie (autoproduction, stockage, flexibilité). Bref, transformer la volatilité en levier de performance durable.